Fichier Edvige : inquiétude pour les libertés

Publié le par Popa et le Monde

 Voilà une sale affaire pour nos libertés et il faut se rendre à l'évidence, la France est de moins en moins un pays démocratique.
C'est très grave.

Pour être impliqué dans des dossiers sur la gestion des identités dans le monde numérique (ex. comment ouvrir un compte en ligne, donner plusieurs identités pour obtenir un service -, comme louer une voiture en ligne, etc...) votre Popa est parfois consterné de l'attitude du Ministère de l'Intérieur qui se plait à fustiger la CNIL, dont les positions sont de plus en plus difficiles à tenir.

la sécurité a bon dos, la lutte contre le terrorisme aussi, en fait, il s'agit pour ces hommes de se construire les moyens d'un pouvoir de surveiller qui n'a d'autres buts que de trestreindre les chances aux citoyens ou professionnels innovants de bousculer un establishment qui veut maitriser le pays et sa capacité à produire, à son profit.
Bref, le contrôle des masses au service d'une élite, éternelle recherche des possédants et des détenteurs du pouvoir.

Les faits

Sans débat public préalable, le gouvernement, par un décret publié au Journal officiel du 1er juillet 2008, a considérablement accru les capacités de fichage de nos concitoyens. Ce fichage sera assuré, à l’avenir, par la Direction centrale de la sécurité publique (fusion des Renseignements Généraux et de la DST).

A cette fin, un nouveau fichier policier sera mis en place sous le nom d’EDVIGE (Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale). Il recensera, de manière systématique et généralisée, toute personne « ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui joue un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif ». Sans exception, toutes les personnes engagées dans la vie de la cité sont donc visées.

En outre, ce fichage vise à permettre la collecte de renseignements identitaires sur les « suspects » (personne mais également groupe) simplement considérés, par la police, comme susceptibles, à l’avenir et de manière totalement hypothétique, de porter atteinte à « l’ordre public ».

Il permettra de compiler toutes les notes de renseignements telles que : état civil, photographie mais aussi fréquentations, comportement, déplacements, appartenance ethnique, vie sexuelle, opinions politiques, philosophiques, religieuses, appartenances syndicales et associatives …

La police sera autorisée à consulter ce fichier en cas d’enquêtes administratives pour l’accès à certains emplois.

Les mineurs ne seront pas épargnés puisque fait sans précédent dans notre République et particulièrement choquant, leur fichage sera autorisé dès l’âge de 13 ans et cela sans qu’aucune infraction n’ait été commise et sur la seule base de leur dangerosité présumée.

Cette initiative gouvernementale, porteuse à l’évidence de nombreuses dérives, s’inscrit résolument dans le cadre de la mise en place d’une politique sécuritaire ouvertement revendiquée.

Le gouvernement est passé outre aux réserves émises par la Commission nationale Informatique et Libertés concernant ce fichier qui, dès sa parution, a suscité les plus vives réprobations de multiples organisations associatives, syndicales et politiques.


L'analyse du Monde

our tourner en dérision l'"obsession sécuritaire" du ministère de l'intérieur, le collectif Non à Edvige s'apprête à proposer à tous les citoyens de rédiger eux-mêmes leur fiche de police : il distribuera dans les semaines à venir de faux documents que chacun pourra remplir et adresser aux autorités. Constitué de 700 organisations qui vont de la Ligue des droits de l'homme à Force ouvrière en passant par la Confédération nationale du logement ou Sida Info Service, le collectif a déjà réuni plus de 110 000 signatures électroniques contre le fichage "systématique et généralisé, dès l'âge de 13 ans, des délinquants hypothétiques et des militants syndicaux, politiques, associatifs et religieux".

Une continuité, selon la Place Beauvau. Pour le ministère de l'intérieur, Edvige n'est pourtant qu'une simple "reprise" du fichier des renseignements généraux (RG) créé en 1991. Un fichier constitué de dossiers papier archivés dans les départements, mais géré par un logiciel central d'indexation : lorsqu'ils souhaitent consulter une fiche, les fonctionnaires du renseignement interrogent l'ordinateur, qui leur indique où se trouve le dossier papier qu'ils recherchent. A la suite de la réorganisation du renseignement, la Place Beauvau, qui a transféré le fichier des RG à la nouvelle direction centrale de la sécurité publique, a toiletté le décret de 1991.

Selon le ministère, l'essentiel des règles fixées en 1991 a été maintenu. Afin d'"informer le gouvernement et les représentants de l'Etat", les services de renseignement pourront ainsi continuer à ficher les personnalités politiques, économiques et syndicales et les simples militants : comme en 1991, toutes les personnes ayant "sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique", ainsi que tous ceux qui, plus modestement, "jouent un rôle" politique, économique, social ou religieux significatif pourront figurer dans Edvige. Le parallèle s'arrête cependant là : avec Edvige, le ministère de l'intérieur étend le champ du renseignement.

Le nombre de personnes concernées par le fichage augmente. Toutes les personnes "susceptibles de troubler l'ordre public" pourront désormais être fichées par Edvige, alors que le décret de 1991 ne mentionnait que celles qui avaient recours à la violence ou qui lui apportaient un "soutien actif". L'âge minimum requis pour le fichage de ces "futurs délinquants hypothétiques", comme les appelle la Ligue des droits de l'homme, a changé : alors que le fichier de 1991 ne recensait que les majeurs, celui de 2008 pourra s'intéresser aux jeunes dès l'âge de 13 ans.

Pour le ministère de l'intérieur, cette extension du fichier est liée à l'augmentation de la délinquance juvénile : aujourd'hui, 20 % des mis en cause dans les procédures judiciaires sont des mineurs, souligne-t-il. "Nous sommes confrontés à des phénomènes de bande et à un développement des violences urbaines, affirme son porte-parole, Gérard Gachet. Edvige permettra de faire savoir à ces jeunes qu'ils sont fichés - c'est un peu comme si on leur disait : "Attention, on t'a à l'oeil !" - et de convoquer leurs parents pour tenter de les remettre sur le droit chemin."

Cet argument n'a guère convaincu la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) : dans une délibération du 16 juin, elle a - en vain - demandé au gouvernement d'"encadrer" cette collecte et de la limiter dans le temps. "Le droit de changer, le droit à l'oubli doit être assuré pour tous, y compris pour les citoyens de demain", insistait-elle en juillet.

Les données fichées par Edvige sont plus nombreuses. Le fichier des RG de 1991 permettait déjà de collecter des données "sensibles" comme les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses, et l'appartenance syndicale. Edvige y ajoute la santé et la vie sexuelle. "Nous ne pourrons ficher la maladie ou l'homosexualité de quelqu'un que si elle est en rapport avec sa vie publique, affirme M. Gachet. Il sera interdit, par exemple, de mentionner la vie sexuelle d'un élu qui n'évoque jamais publiquement son homosexualité. Il sera en revanche possible de rédiger une fiche sur le responsable d'un mouvement qui défend les droits des homosexuels ou sur une association de malades qui participe à des intrusions violentes dans les préfectures." Le décret interdit en outre de sortir une liste de personnes à partir des données sensibles.

La CNIL a obtenu que les données concernant l'orientation sexuelle et la santé soient enregistrées de "manière exceptionnelle", mais elle estime cependant que cette collecte n'est pas assortie de garanties suffisantes. "La commission sera particulièrement vigilante sur ce point et utilisera son pouvoir de contrôle pour s'assurer du caractère pertinent, c'est-à-dire proportionné, de l'enregistrement de ces données", soulignait-elle en juillet.

Des vérifications encore limitées. Faute de moyens, la CNIL, qui peut demander à tout moment la communication d'un fichier ou l'accès à un programme informatique, n'a pu contrôler qu'une seule fois le fichier des renseignements généraux de 1991. En 1998-1999, elle a ainsi effectué des vérifications sur le logiciel informatique central mais aussi sur un échantillon de dossiers papier : les équipes de la commission se sont rendues dans trois directions départementales et trois directions régionales des renseignements généraux.

Depuis 1999, les équipes de contrôle de la CNIL ont été renforcées. "En deux ans, les effectifs ont été multipliés par deux, ce qui porte désormais le nombre de contrôleurs à dix, précise son secrétaire général, Yann Padova. Avant 2004, nous réalisions une douzaine de contrôles par an, en 2007, nous en avons recensé 167. Ce n'est pas encore suffisant, bien sûr, mais cela devrait nous permettre de faire un jour du contrôle l'un des axes prioritaires de notre action."


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